Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
 Bibliographies   Campus Virtuel FLE   Dossier Blogs   Liens/Biblio   Premiers Pas   Weblogs expériences   publications 

FLE et Internet - Campus Education

Version  XML 
Recherche


Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?



Hiroshima mon amour - Télédoc

Hiroshima mon amour
Un film franco-japonais d’Alain Resnais (1959, noir et blanc).

http://www.cndp.fr/tice/teledoc/


Grande date dans l'histoire du cinéma moderne, le film d'Alain Resnais sur un scénario de Marguerite Duras, diffusé sur Arte, mêle l'amour et la guerre, la mémoire et l'oubli, dans une incantation poétique illuminée par la présence d'Emmanuelle Riva.


Le film
L’histoire
Venue à Hiroshima tourner un film sur la paix en 1959, une comédienne française rencontre un Japonais qui vit là. Tous deux sont mariés dans leurs pays respectifs, et cet amour de rencontre est censé finir à son départ en France. À cet inconnu, elle confie un secret : son amour de jeunesse pour un soldat allemand tué à la Libération, et la détresse et la honte qui s’ensuivirent. Pour elle, il semble que cet amour fait écho à ce qu’elle vit avec le Japonais. Celui-ci, touché par cette confiance voudrait la retenir et la suit dans les rues d’Hiroshima. Pour cette femme, il est « impossible de partir, mais plus impossible encore de rester ». Le film se clôt sur cette hésitation.

Le contexte
Après ses documentaires, sur la guerre (Nuit et brouillard) ou l’art (Guernica, Les statues meurent aussi), les producteurs d’Argos veulent confier à Resnais un film sur la bombe H. Il apparaît vite absurde de faire ce qui existe déjà, et les projets intéressants et originaux sur le sujet seraient trop onéreux. Alors intervient Marguerite Duras, écrivain représentatif de la jeune génération dite du nouveau roman, et appréciée par Resnais, qui lui propose un scénario où, au lieu de filmer la bombe atomique, simplement « on n’évite pas de parler de la bombe ». Resnais part effectuer les repérages à Hiroshima, trouve un acteur japonais qui pourra parler français (Eiji Okada), retravaille le scénario avec Duras. À la sortie, le film est vite remarqué comme un chef-d’œuvre, suscitant lectures aussi bien idéologiques qu’esthétiques. Malgré sa mise à l’écart à Cannes pour des raisons politiques (il s’agit de ne pas froisser les Américains), il recevra de nombreux prix et fera une carrière remarquable à New York. À partir de Hiroshima mon amour, Resnais sera estampillé grand réalisateur, et enchaînera des longs métrages formellement très audacieux, L’Année dernière à Marienbad (avec la collaboration d’un autre écrivain du nouveau roman, Alain Robbe-Grillet), Muriel et La guerre est finie.

La démarche
« Un film au présent » (A. Resnais)
Comment interprétez-vous l’enchevêtrement de plans qui rappellent le passé à Nevers et de plans narrant l’histoire du couple à Hiroshima ? Quelles relations jouent le passé et le présent, Nevers et Hiroshima, le singulier et le collectif, au travers de la mise en scène du film ?

Ce qui frappe le spectateur, c’est la multiplicité des strates temporelles présentées ensemble dans le film. Lorsque l’héroïne parle du passé, il ne s’agit pas de raconter une histoire d’il y a quatorze ans, mais de recréer à l’écran sa mémoire présente. C’est pourquoi, de plus en plus fréquemment dans le film, des plans de Nevers vont s’immiscer entre des plans d’Hiroshima. Ainsi, dans la dernière partie, sa vision des néons d’Hiroshima lorsqu’elle se promène la nuit est entrecoupée des toits et arbres de Nevers, filmés en travelling avant sous le même angle et au même rythme que la ville japonaise, en plongée et à une hauteur qui correspond à celle de la tête de l’héroïne. Le film est donc construit sur deux axes :
– l’interpénétration du passé et du présent dans la mémoire, qui se manifeste ici à l’occasion de l’aveu fait au Japonais, sans doute parce que l’aventure avec lui – un étranger, parlant français avec accent, etc. – correspond pour la femme exactement à ce qui lui est arrivé à Nevers ;
– l’interpénétration de l’individuel et de l’histoire universelle. Le drame de Nevers vient faire écho au cataclysme nucléaire mondial, à l’occasion du hasard de cette rencontre avec un Japonais à Hiroshima ; et on apprend vers la fin, lorsqu’elle achève de se raconter, que pour elle Hiroshima a coïncidé exactement avec son arrivée à Paris, c’est-à-dire au fond la sortie de sa réclusion à Nevers et le deuil de son premier amour, moment où elle comprit qu’« on ne meurt pas d’amour ». Ces deux axes sont bien sûr liés : elle est aujourd’hui à Hiroshima pour participer à un film mondial pour la paix, donc le présent est marqué par l’universel, tandis que le surgissement du passé relève de l’histoire singulière.
La combinaison des deux axes explique pourquoi le déroulement du film présente à la fois une révélation de plus en plus précise du passé, et une orientation qui va de l’évocation de la tragédie mondiale d’Hiroshima à la représentation du petit drame personnel de Nevers.
La forme singulière du film est justifiée très exactement par cette structure : l’irruption de plans sans lien narratif immédiat avec les précédents montre simplement le surgissement du passé dans la conscience, dans un ordre qui n’est pas celui d’une narration faite pour un autre, mais celui des évocations ressenties par une conscience. C’est ainsi que le drame de Nevers apparaît pour nous à l’occasion de la scène où elle rejoint le Japonais endormi, et où sa main remuant enchaîne sur le plan d’une main qui se crispe ; puis, en un montage typique du film, de nouveau on voit l’homme, et ensuite on a un plan sur une femme au chevet d’un corps blessé. Le spectateur, ici, ignore ce dont il s’agit car c’est bien le fonctionnement à la première personne de la mémoire même de l’héroïne stimulée par le présent. La narration du film consiste alors à expliciter de plus en plus les relations objectives entre ces images surgies de la mémoire : lorsqu’elle raconte la mort de l’Allemand, nous comprenons le lien entre les plans épars du corps mort sur la berge, de la jeune femme qui descend les escaliers, et du jardin d’hiver vu en contre-plongée (d’où en fait est parti le coup de feu).
Tout se passe comme si le présent de l’histoire avec le Japonais, dans la mesure où c’est un présent vécu, comportait en lui des strates de passé. Et ce passé va avoir des effets dans le présent : telle serait une signification de la superposition des images de Nevers à celles d’Hiroshima, avec le contraste saisissant entre la ville paisible et comme figée dans les temps anciens, et la ville hypermoderne aux néons agressifs. En particulier, la relation avec le Japonais se constitue intégralement par ces effets de passé : lorsqu’elle raconte Nevers, elle s’adresse à lui comme s’il était l’Allemand. Et en retour, il s’attache d’autant plus à elle qu’il comprend être le seul dépositaire de son secret de Nevers, tandis qu’elle-même, en en faisant le destinataire de cette histoire, transforme ce qu’il est pour lui : non plus un amour de rencontre, mais un homme qu’il est devenu « impossible de quitter ». Dès le début, le passé est inscrit dans leur relation, au travers du lieu lui-même : aux images de couples enlacés (les premières du film, montrant des peaux granuleuses, pourraient faire songer aux corps couverts de cendres des irradiés, avant de laisser la place aux peaux lisses des amants) se superpose un dialogue sur la bombe d’Hiroshima qui suscite de multiples plans entrecoupés, sur la ville au présent (le musée, etc.) et sur l’événement traumatique. C’est pourquoi, à la toute fin, en écho à ce début de film, elle dira : « Hiroshima, c’est ton nom » ; à quoi il répondra : « Ton nom, c’est Nevers ». Ces deux phrases marquent la clôture du film selon ses deux dimensions, l’interpénétration du passé et du présent, la correspondance du drame individuel et du cataclysme universel. Le film peut s’achever ainsi, alors que selon une logique narrative objective il reste en suspens, puisque la Française n’a pas encore pris son avion.

Un film d’amour
Pourquoi s’adresse-t-elle au Japonais lorsqu’elle parle de l’Allemand ? Quels rapports le film suggère-t-il entre sa passion passée pour l’Allemand et sa relation avec le Japonais, et par quels moyens ? En quoi la longue scène de souvenir au « tea room » est-elle décisive ?

Dans cette mesure, la parataxe qu’est le titre du film indique bien quel en est l’enjeu : l’écart signifiant entre la passion amoureuse et le cataclysme nucléaire universel. Selon la logique cinématographique du film, tourné « au présent » et donc construit sur le vécu perceptif et mémoriel de l’héroïne, un des fils conducteurs est l’évolution de sa relation avec le Japonais. Le film est d’ailleurs moins qu’une unité narrative : nous ignorons leur rencontre, nous ne saurons pas la fin de l’histoire (il est vraisemblable qu’elle parte, mais apparemment elle a raté son avion). Il y a quand même une continuité et une unité au niveau des sentiments vécus. On remarquera qu’il n’y a presque pas de tiers, tout se joue entre eux : leurs proches (épouse, mari, enfants) sont absents, et presque aucune scène ne présente de tiers. Il n’y a que ce plan-séquence dans le hall de la gare, où il la rejoint, s’assoit sur le même banc qu’elle et une vieille Japonaise, cette dernière lui parlant en japonais, jusqu’à ce que la caméra se déplace pour montrer la place maintenant vide laissée par Emmanuelle Riva ; et la scène dans le dancing où elle se fait accoster en anglais par un jeune Japonais, sous le regard de son amant venu l’observer. Bien sûr, le fait que ces tiers interviennent vers la fin du film indique aussi qu’elle sort de l’isolement amoureux, en quelque sorte extraterritorial, et va bientôt revenir dans le monde social qui est le sien.
Certes, les personnages sont dissymétriques : le film se place surtout du point de vue de la Française (les travellings avant nocturnes sont filmés de son point de vue à elle ; à deux reprises, elle est dans le plan et il apparaît par surprise sans qu’on sache d’où il vient). Et la seconde partie est le dévoilement progressif de son histoire à Nevers, tandis que nous ignorons le passé du Japonais. Nous voyons son lieu à lui : sa ville, sa maison, son espace, alors que d’Emmanuelle Riva nous connaîtrons le passé, donc quelque chose de temporel. D’une certaine manière, chacun introduit l’autre à quelque chose de lui-même : lui, le Japonais, à une vérité d’Hiroshima (« Tu n’as rien vu à Hiroshima », alors que tout le monde, et en premier lieu les touristes et les spectateurs de reconstitutions, croit voir) ; elle, la Française, a sa vérité celée depuis quatorze ans (elle a survécu à son amour). En ce sens, malgré l’aspect fugitif de cette rencontre, et malgré le décadrage que nous avons observé, ce qui se vit au cours de ces quelques heures est de l’amour vrai, c’est-à-dire un partage où chacun des sujets se livre en personne et donne à l’autre quelque chose.
Dans ce partage, le Japonais – par ce qu’il représente (un étranger, et la coïncidence déjà évoquée entre Hiroshima et la fin réelle de l’épisode de Nevers), par ses actes et par son intérêt pour cet épisode de la vie de la jeune femme, dont il a senti intuitivement qu’il était essentiel (« Pourquoi me parler de Nevers ?», lui demande-t-il) – met en branle sa mémoire, d’abord involontairement (les deux plans de mains alternés), puis volontairement avec ses questions. Mais la Française ne fait pas que se souvenir : par ce souvenir, et par la correspondance entre le Japonais et l’amant ancien, quelque chose en elle change. C’est pourquoi de l’amour a eu lieu, entre ces personnages : chacun a changé l’autre, entre le début et la fin du film. D’où le changement de position sentimentale observé chez la Française : alors qu’elle n’est pas censée le revoir après la première séquence, elle ne cesse de le retrouver et hésite à partir.
Cet amour a ceci de spécifique qu’au lieu de nier les amours anciens, il s’en nourrit. À la superposition des temps, rendue par l’alternance de plans d’Hiroshima et de Nevers, se joint la superposition des deux amants, le Japonais et l’Allemand, et à mesure qu’elle s’adresse au premier comme substitut du second, son amour pour lui s’accroît. La scène du tea room, ponctuée par la gifle, est à cet égard cruciale. Par l’évocation de l’amour de Nevers, de manière non chronologique, la Française s’immerge radicalement dans ce passé qu’elle n’avait sans doute pas réactivé aussi intensément ; les plans qui la montrent dans la cave, ou allant aux rendez-vous, alternent avec des plans où le Japonais l’aide à boire, lui prend les mains. L’image des mains est prégnante, comme si par elles l’expérience avait vraiment lieu : expérience du deuil et de la douleur lorsqu’elle se griffe les ongles dans la cave, expérience de l’autre lorsque le Japonais serre ses mains.
C’est donc en s’adressant au Japonais identifié avec l’ancien amant qu’elle rentre ainsi en elle ; au paroxysme de cette évocation, elle crie « C’est mon ancien amour » – et le cri, comme autrefois à Nevers, suscite la réaction de l’autre : le Japonais la gifle. Alors, nous entendons de nouveau les bruits d’ambiance qui s’étaient tus lors de son immersion dans le passé : elle revient au monde, au présent, aux autres. Et ce retour à la vie, dans le présent du tea room, soutenu par l’amour naissant du Japonais, entraîne alors l’évocation de l’ancien retour à la vie : dans sa cave, équivalent spatial de l’isolement radical que recréait dans la scène le mutisme du tea room, la jeune femme voit arriver par hasard une trace du dehors – une bille qui tombe accidentellement – et reprend alors contact avec le monde du dehors et les autres, aussi soudainement que la gifle l’avait sortie de son enlisement en elle-même. C’était sa libération, et son récit enchaîne alors avec le départ et l’arrivée à Paris, contemporain de l’explosion d’Hiroshima.

Pour en savoir plus
DURAS Marguerite, Hiroshima mon amour, Gallimard, coll. « Folio », 1972. Le scénario du film par son auteur.
LEUTRAT Jean-Louis, Hiroshima mon amour : Alain Resnais, Nathan, coll. « Synopsis », 1998.
PINGAUD Bernard, « À propos d’Hiroshima mon amour », Positif, n° 35, juillet-août 1960. Article repris dans Positif, revue de Cinéma : Alain Resnais, Stéphane Goudert (dir.), Gallimard, coll. « Folio », 2002, p. 66.
ROOB Jean-Daniel, Alain Resnais, La Manufacture, coll. « Qui êtes-vous ? », 1986.
Ecrit par frul8, le Mardi 16 Novembre 2004, 12:40 dans la rubrique "Liens/Biblio".


Commentaires :

  Anonyme
04-10-05
à 12:32

+ d'infos sur hiroshima mon amour

merci